Forêt mixte sur les pentes du Ventoux
Ils s’aiment, aucun doute ; ils se mêlent, chênes, charmes, hêtres et mélèzes, vieux barbons et jeunes pousses, ils dépassent, immenses pins au tronc démesuré droits comme des ifs – quand les ifs ont la permission d’être droits – les humains en font des clôtures et même des murs avec les ifs et avec les buis des sculptures qui attentent à leur dignité d’arbuste, mais c’est une autre histoire – Les arbres de ce pan de forêt n’ont d’autre fonction que de se reproduire, ils n’ont ni tailleur ni sculpteur, ni peintre, par chance, ils étalent eux-mêmes leurs couleurs, aucun humain n’oserait ces nuances, ni cette audace de contrastes, ni cette charge affective : le toujours vert et le caduc, le périssable et le constant, la vie rouge vif encore présente et la mort annoncée dans une inclinaison de branche, un craquement de feuilles, la transparence des veines, la gale, les taches obscures. Les plus légers s’enlacent, se courent après, se rejoignent, roux comme des écureuils, mêlent leurs cimes et leurs racines, s’inclinent ensemble vers l’humus. Si différents si proches. Un tourbillon de pépiements, mésanges et roitelets s’en fichent : il y a toujours pour se poser feuille ou aiguille, et pour les pics écorce ou pomme à picorer. Toujours vie à renaître ou à transmettre, toujours des yeux émerveillés et si ce n’est pas toujours, c’est aujourd’hui et c’est pareil.