Quand tu arrives à la septième marche, il se passe toujours quelque chose. Quoi ? Un événement, une rencontre, un bouleversement. Impossible de savoir à l’avance. Si l’on n’est pas attentif, bien sûr, rien n’arrive. La septième marche du septième étage est la plus réactive.
Mais plus personne n’y pose le pied désormais, sur l’escalier du septième étage, à cause des ascenseurs. Dans ces derniers, peu de choses se passent, on prend un air absent parce qu’on est trop près des gens, c’est tout. Et on appuie avec une indifférence affectée sur le bouton du septième.
Sept c’est sept couleurs de l’arc-en ciel.
Sept c’est sept boules de cristal
Sept c’est quatre fois le changement de lune
Sept, c’est lundi mardi mercredi jeudi vendredi samedi dimanche.
Sept c’est les frères du petit Poucet et lui
Sept c’est sept nains, Blanche- Neige en sus
Sept c’est sept samouraïs et autant de mercenaires
Sept, les sept vies de l’Empereur Phénix
Sept, les sept queues du Chat de Chester. Non, celui-là il se contente de sourire.
Voilà ce qui se passe quand tu arrives à la septième marche : très loin de toi, un événement cosmique, par exemple le début de l’éclatement d’une étoile, à des années-lumières d’ici, une géante commence à mourir, une naine en train de naître, ou bien tout près de toi, un chromosome entame sa mutation, une boucle de la chaîne adn se rompt, une micro-bulle s’épanouit dans ton sang, un crépitement de tes neurones annonce une invention, une étincelle éclaire un paysage intérieur jusque là resté obscur, un sentiment amoureux émerge à peine dans ton cœur, que sais-je encore ?
Voilà pourquoi il ne faut pas poser le pied à la légère sur la septième marche, mais être très attentif, respirer tout doucement, faire le vide des pensées importunes, tendre l’oreille, ouvrir le cœur. Alors tu le percevras, l’événement de la septième marche, tu le percevras, et tu pourras à ton tour transmettre le secret. Mais surtout, évite de t’y attarder, la septième marche ne supporte pas la pesanteur, ni les gens qui cherchent à tout comprendre, elle se dérobe alors sous leurs pas. La septième marche préfère qu’on la caresse, l’effleure, d’un pas tendre et ferme, un pas de passant, pas éphémère, pas dansant, pas de poète, souffle léger. Deux pas ensemble rythmés, la septième marche, elle n’aime rien tant que des pas d’amoureux enlacés.