Ils étaient là, bien sûr, du matin, au lever du soleil dans le hameau, sur les landes, dans les buissons, au creux des rochers, sur les pavés du port, loin en mer, et jusqu’au soir tard, près de Grand Phare, là où se trouvent les « dortoirs ». Goélands, oiseaux marins, oiseaux familiers des campagnes …
Voici où nous les avons rencontrés :
Hameau : chardonneret, pouillot véloce, pinson des arbres, merle, moineau domestique, hirondelle rustique, hirondelle de fenêtre, martinet noir, tourterelle turque, pigeon ramier
Champs, proximité des habitations, buissons : Faucon crécerelle, tarier pâtre, troglodyte mignon, alouette des champs, bergeronnette grise, rouge-gorge, accenteur mouchet, pie bavarde.
Côte rocheuse : huitrier pie, goéland marin, goéland argenté, goéland brun, fulmar, pigeon biset, cormoran huppé ; aigrette garzette.
Landes, pelouses : Linotte mélodieuse, pipit maritime, crave à bec rouge, choucas.
Les oiseaux étaient là, dans les paroles poétiques, celles des poètes et celles des participants.
Chaque jour des Poèmes à lire, à dire, pour jouer, pour garder le silence aussi.
Des poètes de la présence au monde : Baudelaire, Rimbaud, Supervielle, Saint John Perse, Francis Ponge, Maurice Cocagnac, Kenneth White, Paul Celan, Erri de Luca, Agnès Gueuret
La terre est une quenouille que filent lune et soleil
Et je suis un paysage échappé de ses fuseaux,
Une vague de la mer naviguant depuis Homère
Recherchant un beau rivage pour que bruissent trois mille ans …
Jules Supervielle (1884-1960), « Houle » in Gravitations, Poésie Gallimard.
« Fulmar » Fulmaris glaciaris
Le frais sentier de ton vol
Jette un silence sur le monde
Bouddha des glaces
K. White, Cryptologie des oiseaux in Mahamudra, Mercure de France, paris, 1978.
Le mot O I S E A U : il contient toutes les voyelles.
Très bien, j’approuve.
Mais, à la place de l’S, comme seule consonne, j’aurais préféré l’L de l’aile : OILEAU, ou le V du bréchet, le V des ailes déployées, le V d’avis : OIVEAU.
Le populaire dit zozio. L’S je vois bien qu’il ressemble au profil de l’oiseau au repos.
Et oi et eau de chaque côté de l’S, ce sont les deux gras filets de viande qui entourent le bréchet.
Francis Ponge (« La Rage de l’expression » – éditions Gallimard, 1952 – réédition collection Poésie-Gallimard)
HAMSA
L’oiseau qui bouge dans les rêves
ne s’emplume pas de splendeur
il ne sait rien de la couleur
des coquillages de la grève
…L’oiseau indien de jour sommeille
dans la caverne au fond du cœur
quand l’homme dort, quand l’homme meurt
l’oiseau Hamsa poursuit sa veille.
L’oiseau passeur est sans frontières
Il est ici, il est de là
Il est vivant dans l’au-delà
Du corps qui s’éboule en poussière
Maurice Cocagnac (1924-2005)
Ouverture
Aux profondeurs du roc
la source œuvre pour naître.
L’amour en son ardeur
sur la sente patiente.
Ô vous qui passez là,
écoutez, entendez
un chant dans la nuit monte !
L’eau bruissante des eaux
dévalant la colline
n’est pas plus frémissante.
Le feu incandescent
du bois qui se consume
n’est pas plus véhément.
Le vent impétueux
au cœur de l’océan
n’est pas plus implorant.
Vous tous qui passez là
dans la nuit, entendez
l’amour en sa patience
sur le chemin venant.
Agnès Gueuret, extrait de L’ombre du jour, éd le Corridor Bleu, 2009.
Aube
J’ai embrassé l’aube d’été.
Rien ne bougeait encore au front des palais. L’eau était morte. Les camps d’ombres ne quittaient pas la route du bois. J’ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit.
La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.
Je ris au wasserfall blond qui s’échevela à travers les sapins: à la cime argentée, je reconnus la déesse.
Alors je levai un à un les voiles. Dans l’allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l’ai dénoncée au coq. À la grand’ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre, je la chassais.
En haut de la route, près d’un bois de lauriers, je l’ai entourée avec ses voiles amassés, et j’ai senti un peu son immense corps. L’aube et l’enfant tombèrent au bas du bois.
Au réveil il était midi.
Rimbaud Illuminations, 1871
Le port
Un port est un séjour charmant pour une âme fatiguée des luttes de la vie. L’ampleur du ciel, l’architecture mobile des nuages, les colorations changeantes de la mer, le scintillement des phares, sont un prisme merveilleusement propre à amuser les yeux sans jamais les lasser. Les formes élancées des navires, au gréement compliqué, auxquels la houle imprime des oscillations harmonieuses, servent à entretenir dans l’âme le goût du rythme et de la beauté. Et puis, surtout, il y a une sorte de plaisir mystérieux et aristocratique pour celui qui n’a plus ni curiosité ni ambition, à contempler, couché dans le belvédère ou accoudé sur le môle, tous ces mouvements de ceux qui partent et de ceux qui reviennent, de ceux qui ont encore la force de vouloir, le désir de voyager ou de s’enrichir.
Baudelaire, Spleen de Paris, 1869
Et aussi La Conférence des oiseaux : un poème persan du XII° siècle, du poète soufi Fari-All Din Attar, adapté par Henri Gougaud, paru dans la collection « Points »
« Chercheur de vérité, ne prends pas cet ouvrage pour le songe éthéré d’un imaginatif. Seul le souci d’amour a conduit ma main droite (…). »