Atelier ayant pris place à Cossigny, les 10 et 11 septembre 2022
22 Textes de Claire (et peinture de Claire), Eliane, Denis, Jean-Louis, Jean-Marc, Pierre.
ET SI LES ARBRES RÊVAIENT
GINGKO DE LA-BAS
Toi le gingko, si beau, si grand, si magnifique !
Un peu fier, non ?
Tu viens de loin. Exotique, un peu !
Prétentieux aussi.
Et tout le monde de s’extasier.
Moi, ça m’ennuie tout ça. Il y a une sorte de snobisme à t’admirer.
Et les autres alors, les arbres bien de chez nous ?
Je n’écrirai pas grand-chose sur ton histoire que je ne connais guère.
Je préfère à ta majesté la simplicité d’un pommier.
Je préfère à ta longévité la petite vie d’un arbre fruitier.
Je préfère en général ce qui est modeste à ce qui est
majestueux.
Longue vie à toi !
En attendant, je me régale des fruits de mon figuier.
DANS MON RÊVE
Dans mon rêve il y avait des gens. Et ces gens ils aspiraient tous à la même idée de la vie, de la vie ensemble, de la vie partagée, de la vie simple et tranquille.
Dans mon rêve il n’y avait pas de chef, pas de concurrence, pas d’ambition démesurée.
Dans mon rêve régnait le calme et l’harmonie.
La nature reprenait ses droits, la terre tournait plus rond.
Dans mon rêve on vivait éternellement. On se reconstituait petit à petit pour ne jamais mourir.
Alors, la terre s’agrandissait pour nous faire de la place.
Il y avait de nouvelles terres, de nouvelles mers, de nouveaux paysages à découvrir.
Dans mon rêve les enfants avaient un avenir.
Et si je ne me réveillais pas ?
SALUT A TOI, TILLEUL
Salut à toi, oh tilleul, je te connais depuis que je fréquente les écoles, depuis la maternelle
même.
Tu es l’arbre des cours d’école, je t’ai toujours vu émerger du goudron, que c’est triste.
Je te sens solide, puissant, costaud, et pas très grand. Je me rends compte en parlant de toi que je me retrouve dans cette description, costaud et pas très grand. Moi qui avais tellement rêvé d’être grand. Bof, j’essaierai de faire mieux dans une autre vie.
Peut mieux faire, combien de fois n’ai -je pas entendu ce commentaire, à la fois riche de toutes les promesses, et en même temps, jamais satisfaisant.
Revenons à toi Tilleul, tu m'inspires la douceur, la sécurité, les cris d’enfants pendant la récré.
J’ai été à Venise et je n’y ai jamais entendu le moindre cri d’enfant pendant l’heure des récrés pendant une semaine. J’ai trouvé cela très triste. On m’a expliqué qu’il y a très peu d’écoles, car les Vénitiens fuient la ville, vu les problèmes d’humidité et la montée galopante des prix.
Une ville si belle sans cris d’enfants, ça m’a rendu bien triste.
Par contre, Tilleul, je dois te dire que je n’apprécie pas beaucoup ton breuvage qui me semble tellement insipide, comparé au thé à la menthe du Maroc si sensuel et si puissant.
Mais ce n’est pas grave, tu es pour moi un vieux pote, qui a complétement habité mon univers d’écolier.
J’aimerais être un arbre afin de pouvoir éprouver et partager cette communication dont on parle tant aujourd’hui.
Bon vent Tilleul, toi le trait d’union entre ciel et terre.
cris d’enfants
l’enfance de l’arbre
à mes racines incertaines
l’enfant est le père de l’homme
PEUPLIER
Il n’est pas prétentieux malgré sa grande taille, un simple coup de vent lui fait courber la tête.
Grand buveur d’eau, il ne titube pourtant pas, et reste bien droit.
Il est amateur de sons harmonieux ; un souffle d’air dans son feuillage est un ravissement pour l’imagination. L’air est soudain peuplé de souvenirs et d’esprits.
La discipline de l’alignement, lui a été imposé par son attirance pour l’eau. Le voilà donc souvent dans le fond des vallées, le long des cours d’eau.
Autour de lui, c’est un foisonnement de vie ; il aime la compagnie de ses semblables.
Peut-être l’homme l’a-t-il aidé en cela. Nous sommes si proches de lui …
DANS MON REVE,
il y a des arbres qui sont là et qui se dressent, il y a des arbres qui depuis toujours ont habité la forêt, des arbres qui ont habité l’imaginaire des enfants comme celui des plus grands.
Dans mon rêve, il y a ces livres d’enfant que j’ouvrais, et chaque page ouverte déployait un univers en relief.
Je m’imbibais de ces mondes avec fascination, et parfois je sentais monter en moi la trouille.
Je pense particulièrement à un livre de contes qui prenait racine dans la forêt, la nuit.
Ces arbres m’apparaissaient comme des créatures terrifiantes qui se prolongeaient à travers leurs racines et branches et qui semblaient comme des doigts prêts à s’accaparer le monde.
Je m’imaginais avançant seul dans cette forêt de tous les dangers, la nuit, aux aguets, tendant l’oreille prêt à réagir au moindre bruissement de feuille, avec la peur au ventre du loup qui me terrifiait, le hululement de la chouette à la recherche d’une quelconque pitance, le coassement des grenouilles. C’était un univers de vie et de mort, où la vie et la mort s’entremêlent, où chaque instant est porteur de cette incertitude qui rend la vie précaire et pourtant si belle.
T’ES MARRON ?
dédié aux Neg’ Marrons de la Réunion…
-L’esclave n’est pas toujours celui qu’on croit !
Marron niait toutes les autres couleurs. Un jour il se retrouva seul…
Alors il essaya d’inventer d’autres couleurs avec son propre nom pour se sentir moins seul.
Il commença simplement en inversant ses syllabes, ce qui donna :
Ronmarr, qui pour lui était une couleur ronde.
Puis toujours simplement il se proposa de lire son nom de la droite vers la gauche, ce qui donna Norramm. Cette couleur était pour lui celle d’une rame non existante…Il commençait doucement à glisser, sans s’en rendre compte, vers une pensée ésotérique…Alors il mélangea les lettres au hasard ce qui donna Orrman, Manorr, Mnarro, Narrmo. Des noms de couleurs que lui seul pouvait voir !
Ces noms pouvaient faire penser à des noms de Vikings !
Et le voilà parti vers un imaginaire au-delà des couleurs, voguant sur des flots inconnus, découvrant d’autres contrées toutes fantastiques et extraordinaires !
Il finit par rencontrer toutes sortes de personnages plus ou moins mythiques….
Il se rendit compte comme quand on se réveille d’un rêve, qu’il n’était plus seul !
Ainsi se termine l’histoire de la couleur marron qui voulut nier les autres couleurs !
LE CHANT DES REVES
Dédié à la planète et à tous les êtres vivants.
-Les siècles à venir seront chants ou ne seront pas…
Dans mon rêve il y avait un songe qui songeait à son propre rêve.
C’était un rêve au présent bien planté et enraciné comme un chêne.
Les racines de ce rêve le chatouillaient délicatement par moment ce qui avait pour effet de donner naissance à des bébés rêves.
Ces bébés rêves rêvaient à d’autres terres tout aussi enracinées dans l’imaginaire que peut l’être un rêve bien ancré dans le sacré.
Les bébés rêves grandissaient à une vitesse proche de celle des nuages et par moment se mélangeaient à certains de ces nuages.
Un de ces nuages touché par la douceur d’un bébé rêve se mit à pleurer de tendres larmes juste au- dessus d’un champ qui attendait depuis bien longtemps cette eau salé qui lui manquait atrocement…L’eau qui tombait avec bonheur sur le champ donnait des sonorités fantastiques aux couleurs les plus étonnantes les unes que les autres !
Le champ chantait et s’enchantait ! La terre joyeuse fut prise d’un rire fou et tous ses habitants avec ! Alors de la terre émergèrent toutes sortes de fruits et de légumes sonores et lumineux, chatoyants, chatouillant toutes les créatures ! Le cœur de tous les êtres se mit à battre un peu plus fort résonnant jusqu’à l’autre bout de la planète !
De rêve en rêve la planète et tous ces occupants, qu’ils soient minéraux, végétaux, humanoïdes et même les esprits, retrouvèrent enfin la paix de l’âme depuis si longtemps perdue…
DES RACINES ET DES REVES
A toi qui lis ce texte
Les vrais amis sont comme les arbres. Julos Beaucarne
Arbres, volutes gravées dans ma mémoire d’enfant, fidèles, libres, vagabonds sous mes paupières. Eucalyptus, Figuier, Amandier, Tilleul, Arbre de Judée, Cèdre du Liban, Pommier du Japon et celui du Paradis, Mûrier, Laurier noble, Olivier…. Amis, vous reliez la terre et le ciel avec dignité.
J’ai 8 ans, 9 peut-être. Je viens d’arriver en Provence pour la 1ère fois.
Les grands bavardent sous la tonnelle. Leur palabre devient vite brouhaha lointain. Je m’échappe du clan familial pour rejoindre la montagne derrière la maison. Là-haut, un vieux château ! C’est en escaladant vers ses ruines que je t’ai rencontré toi, l’Arbre. L’Olivier de la colline. Je me souviens t’avoir salué, souri même. La tourmente de ton tronc m’agrandit soudainement le regard. Je caresse ton corps torturé comme je caresse les mains de ma grand-mère, quand sa vieillesse m’angoisse. Ton feuillage argenté pétille comme des étoiles. Mon coeur s’emplit de couleurs, de rêves. A l’époque je ne sais pas dire les sentiments. Je regarde et je sens que c’est bon pour moi. Je sens l’éternité dans ton écorce qui vibre. Aujourd’hui je sais que notre rencontre, ton écoute bienveillante avec le jeune enfant que je suis alors, me fait couler dans les veines un peu de ton mystère, de ton essence.
Dans mon rêve, des arabesques, des couleurs, de l’amour. Mais je ne sais pas ce qu’est l’amour.
Dans mon rêve un paradis, celui d’Eve, qui réveille Adam endormi. Eve qui cueille la pomme, qui goûte, qui sens, qui vit, qui connaît.
Dans mon rêve, des sourires comme des fleurs de pissenlits qui s’envolent au gré du vent.
Dans mon rêve, la paix, la gentillesse, la joie, la douceur qui berce, apaise la terre et le vivant.
Dans mon rêve, éternel renouvellement, éternelle re création, invitation à poursuivre l’œuvre immense, infinie.
Dans mon rêve, barreaux de mes prisons rongées par les vers. Poussière chaude sous mes pieds.
Dans mon rêve, musique, joie, beauté retrouvée.
Dans mon rêve un monde radieux qui respire, danse avec les arbres dans un vent de liberté.