A (et avec) Julien Blaine
Comment sortir la langue de sa bouche
Comment sortir la langue de son palais
Comment sortir la langue de ses maxillaires
Comment sortir la langue de ses maximes de ses paroles en l’air
A (et avec) Julien Blaine
Comment sortir la langue de sa bouche
Comment sortir la langue de son palais
Comment sortir la langue de ses maxillaires
Comment sortir la langue de ses maximes de ses paroles en l’air
Il est temps de rendre hommage à la meilleure amie de l’homme victime, hélas, de l’injustice et de l’oubli.
La meilleure amie de l’homme est apparue sur terre probablement peu de temps avant lui, Par la suite, dès qu’elle l’a connu, l’humain, elle l’a suivi partout. Or l’humain est ingrat, comme on va le voir.
Quand tu arrives à la septième marche, il se passe toujours quelque chose. Quoi ? Un événement, une rencontre, un bouleversement. Impossible de savoir à l’avance. Si l’on n’est pas attentif, bien sûr, rien n’arrive. La septième marche du septième étage est la plus réactive.
Mais plus personne n’y pose le pied désormais, sur l’escalier du septième étage, à cause des ascenseurs. Dans ces derniers, peu de choses se passent, on prend un air absent parce qu’on est trop près des gens, c’est tout. Et on appuie avec une indifférence affectée sur le bouton du septième.
Ma grand-mère elle est spèce, vraiment. Elle m’appelle.
– Hi, Mimi, on va sortir toutes les deux, faire du shopping, tu veux ? Pas la peine d’en parler à ton père. Et on prendra un milk shake au Maxdo !
Ah, non, je me dis, pas le Maxdo ! C’est plein de gens comme elle, un peu spèce, ringards, quoi, des vieux, bon, je dis rien.
Mon budget ! Mon budget ! Diminué de moitié, amputé de 50% ! Je suis vert, je suis mort, c’est la fin de ma carrière, de mon apostolat, de mon bénévolat ! Un scandale, une OPA, un sabotage …
Vite, mon délégué syndical ! Hélas, c’est moi, le délégué. Le seul syndiqué aussi. Alerter le Grand Patron ? Celui-là, on le voit jamais, est-ce qu’il existe, au moins ? C’est un lobby virtuel, un emploi fictif ! Vous y croyez, vous ?
École maternelle Max Duclos, quartier sainte Thérèse, la Possession. Classe des Moyens et des Petits.
La classe, les classes, de toutes les écoles maternelles, fonctionnent sur un thème unique : ça redonde, ça sursature, ça inonde, ils en redemandent. Noël. Kenny, 5 ans, 60 kilos, me montre son dessin. Qu’est-ce que c’est ça, Kenny ? Des gros ronds tout en couleurs descendent du bord supérieur de la feuille, passent largement autour du gribouillis bleu central (qui s’avérera être un bonhomme de neige – mais il a pas de tête ! dit Assina) et vont jusqu’au bas de la page.
Cette petite-là, je vais me la faire, je vais me l’emballer, elle me zyeute, elle me drague, elle en veut ! Super.
C’est qu’elle est mignonne, un beau galbe. Très jeune.
Un peu trop discrète, mais quand même sexy, pas ordinaire. Elégante avec son ensemble beige, tout neuf, et le béret noir, la classe, quoi !
Jadis, à Madagascar l’Endormi s’appelait le Caméléon et c’était le plus rapide de tous les batraciens de la Création. On ne voyait même pas ses pattes tant elles tricotaient la vitesse. Son corps était d’un beau rouge brun, comme la couleur de la terre insulaire, et sujet à quelques variantes.
Il fonçait toujours droit devant lui, avec étourderie parfois. C’est ainsi qu’un jour il percuta violemment l’œil du Fosa. Celui-ci, se trouvant offusqué autant qu’éborgné, s’en fut trouver le Magicien.
Jadis, comme on vous l’a souvent raconté, au début de la Création, les animaux parlaient. Mais vous a-t-on dit de quoi ils parlaient ?
Eh bien, les animaux à fourrure parlaient de leur fourrure.
Les animaux à plumes parlaient de leur plumage et ainsi de suite.
Et les poissons, direz-vous ? Eh bien, les poissons étaient déjà muets, c’est injuste, mais c’est comme ça.
« 21 parpaings et une ouverture »
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L’avion rouge et blanc va se poser.
Aurélie arrive. Elle s’est acheté, sur catalogue, un séjour dans une île de rêve, huit jours au soleil de l’Ile Maurice !
Voici Plaisance, c’est le nom de l’aéroport. Plaisance, plaisir, aisance, elle se dit, elle sera à l’aise dans ses vêtements légers, et pour le plaisir, totalement disponible. Aurélie-cœur-à-prendre, comme l’appelle sa sœur. A prendre, à donner, elle aime tellement donner, Aurélie…
PRAGUE, janvier 07
Jamais je n’aurai imaginé retrouver Kafka démultiplié vendu comme produit dérivé dérivé de quoi ? Rien de concret, de marchand, de vendable, ne pouvait pourtant a priori « dériver » de l’esprit secret, indéchiffrable de Kafka.
Le moins transparent, le plus mystérieux des écrivains européens se décline désormais comme « un concept commercial » De celui qui avait fait promettre à son ami Max Brod de détruire tous ses papiers – mais Max Brod n’a pas obéi, il a publié les œuvres, une chance pour nous – on trouve l’effigie en milliers d’exemplaires imprimé sur des « supports » en tous genres.
Supports : mugs (beaucoup de mugs), assiettes, tasses, papier à lettres, stylos, gommes, crayons, carnets, calendriers, cendriers, cartes postales, menus de restaurants, t-shirts, l’image de Franz Kafka est une marchandise attractive. Ce qui n’est pas sans produire un certain malaise (enfin, pour moi). Après tout, le propre de l’écriture kafkaïenne c’est de créer chez le lecteur-décrypteur une sorte malaise inattendu, indescriptible, voire insupportable.
Tamarins Chantier est la chronique d’une aventure du paysage réunionnais. En 2006 commence un très grand chantier qui doit se terminer en juin 2009. Il s’agit de résorber les engorgements de l’une des deux routes nationales, la plus fréquentée, la plus redoutée de tous ceux qui l’empruntent chaque matin, un vrai cauchemar, aux dires des usagers (dont je fais partie. Les photos ont été prises au début du chantier, car très vite l’ esthétique du chantier s’est imposée à nos yeux.
Parfois le voyage commence en ouvrant la fenêtre de la maison. Le regard se pose sur le paysage familier, en cours de métamorphose. En voyage, le corps et le regard se déplacent sans cesse à la rencontre des lieux. Ici, c’est le lieu qui se déplace et se transforme : naissance et vie d’un chantier. Lire la suite >
Présentation
« Juins » trouve difficilement son étiquette : autobiographie sans doute, par sa forme de « journal » – chaque jour, du 1° au 27 juin, des textes brefs, soit une cinquantaine de pages – mais surtout photographie d’une société, retour sur une mince tranche de temps, mince au regard du temps historique, importante à l’échelle d’une génération. « Juins » est donc plutôt l’autobiographie d’une génération en même temps qu’une méditation sur le miracle maintes fois raconté mais jamais épuisé : la naissance d’un nouvel être humain.
Un extrait de Juins est paru dans PAROLES DE FEMMES (Editions Radiofrance, librio, 2007 : www.librio.net ; www.radiofrance.fr)
La maîtresse, elle a une surprise pour nous, qu’elle a dit. Méfiance. Les « surprises » et les « projets », en général, c’est inquiétant.
Sa surprise, c’est des catalogues, plein de catalogues. On doit d’abord les reconnaître, puis les nommer, c’est la « leçon de langage ». Donc il a fallu attendre que Sullivan ait réussi à cracher ca-ta-lo-gueu pour qu’elle nous lâche un peu.
Après, elle nous a fait dire que les Ca-ta-lo-gueu viennent de Courrefar ; ça, Sullivan, il a trouvé tout de suite, et même Wilson, qui dit jamais un mot.
C’était pas fini
Colin. Tête de travers, monture de lunette en bataille, catégorie : récalcitrant.
– Colin tes chocapox, finis- les, voyons !
– Nin, je déteste les chocapox !
– Mais enfin, Colin, ce n’est pas possible, moi à ton âge, j’adorais les chocapox …
– J’ai huit ans papa et je t’emm… Le bipfone interrompt l’envolée ultralangagière.
– C’est toi qui a les billets ?
Jeff trouve que je suis toujours en retard, aujourd’hui il a tort. Dans une heure seulement, nous entrerons dans la Cour d’honneur. Quel honneur. En attendant, montons au jardin suspendu. Avant le spectacle, allons regarder la ville. Une ville à étages, à monuments, à vestiges, étalée dans la lumière de juillet. J’aime cette lumière franche, largement diffusée, qui absorbe en partie la nuit et rajoute des heures à nos jours. Allons regarder le Rhône en fluide et en miroir. Et jouir. D’être là, d’être jeunes, d’être deux.
Comme chaque dimanche, Jo va prendre l’autoroute. Seulement pour dix kilomètres. A peine acquitté le droit d’entrer, on s’apprête à sortir. Dérisoire. Il pourrait rester sur la départementale : il mettrait quoi, quinze minutes de plus ? En fait, il ne sait pas s’il a envie d’arriver plus vite chez sa mère. Peut-être, au contraire, aimerait-il être ralenti ?
Les jours précédents, elle a rangé avec beaucoup de soin son placard à chaussures, vidé les armoires, examiné tous ses vêtements, les a destinés à l’élimination.
Certes, ils sont tous en bon état, mais leur éclat s’est terni, ils ont pris le pli mou du déjà porté, godent sur leurs cintres ou se froissent sur les étagères. Neufs, ils ont été exposés, mis en valeur, désormais, ils sont seulement pendus. Ce spectacle l’attriste en même temps qu’il lui signifie la promesse du renouveau : les soldes de janvier approchent.
Je me suis inscrite à un nouveau club fitness. Tout neuf aussi mon justaucorps mauve. En pleine forme. Comment tu t’appelles, me demande au premier cours ( abdos-fesses) l’animatrice, une blonde plutôt craquante. Vanessa, je lance. Je sais pas pouquoi, ça lui a bien plu, à chaque cours de step ou de low-impact, elle m’interpelle : allez Vanessa, plus haut, la jambe, ton dos Vanessa, ton buste, allez, en rythme !
Je m’appelle Renée. Je n’aime pas vraiment mon prénom, une idée de ma mère, qui n’arrête pas ma petite Renée par-ci, ma petite Renéééée par là, le coup classique : avant moi, un frère mort en bas âge, et autre prétexte, la grand-tante Renée. A moi de faire renaître ces deux -là… Lourd, non ?
Vanessa, c’est le nom d’un papillon.