Je sais pas quoi faire !
Je répétais ça sans arrêt quand j’étais une petite môme. En pleurnichant.
Maman, elle savait pas non plus quoi faire avec moi, vu qu’elle était seule, alors elle m’emmenait à son travail, moi, assise sur une marche, j’attendais que le temps passe. Je me demande si on peut s’ennuyer plus que ça. Maman, elle me parlait pas.
Je sais pas quoi faire, je répétais encore.
Gratte toi les jambes pour te faire des bas rouges ! qu’elle me lançait, énervée, en continuant à tordre sa serpillière.
Moi, je le faisais. Je me grattais partout, j’aimais bien voir perler le sang et sentir ma peau irritée, les cuisses, les bras, la nuque, c’était excitant. Plus tard, quand elle m’a laissée seule à la maison, j’ai continué. Mais, en plus, je me grattais l’anus, en douce, jour et nuit. Quand elle s’en est aperçu, elle a crié fort, ça c’est un péché, surtout avant d’aller à la messe et surtout si on doit communier. Mais je pouvais pas m’en empêcher, et c’est comme ça que j’ai continué l’exploration, doux et fort. Avec des frissons, ou de la violence.
Pas une seule parcelle non grattée, sauf évidemment le milieu du dos, vous savez, là, entre les omoplates. Me gratter est devenu ma principale occupation. Me rendre rouge.
Quand je pense que je me saigne aux quatre veines, disait ma mère, pour t’envoyer à l’école. L’école, ça demande de la concentration : alors je me grattais la tête, fort fort, comme si ça m’aidait à résoudre les problèmes. Mais j’ai rien appris.
Ma mère, à force de se saigner aux quatre veines, pas étonnant, elle a fini en perdant tout son sang.
Elle me manque pas : j’ai un fiancé.
Lui et moi, on passe notre temps à se gratter le dos. Moi le sien, lui le mien. Toute la nuit. C’est notre manière de faire l’amour. On n’a pas d’enfant.
C’est aussi bien, car, vous savez, un enfant, ça donne vraiment du tracas !